Voici une femme à facettes multiples. J’étais venue interviewer une tisserande émérite, reconnue par le Conseil des métiers d’art du Québec et j’ai rencontré une femme audacieuse aux divers talents.
Durant les années 90, courageusement elle reconstruit sa vie à la suite d’un divorce. Dorénavant sans maison, sans voiture, sans travail, elle qui habitait dans une grande maison à Précieux-Sang se voit dans l’obligation de se trouver un appartement à Trois-Rivières. Elle se donne deux ans pour l’achat d’une voiture et cinq ans pour l’achat d’une maison. Pari qu’elle gagnera. Après avoir occupé quelques emplois mal rémunérés, elle décide tout de go de se lancer dans sa passion du tissage pour en faire son gagne-pain. Ce ne fût pas sans mal. Elle fût d’abord refusée sans ménagement quand elle demanda un soutien à titre de travailleuse autonome (SDE). Elle exerça cependant un droit de rappel et la suite lui fût favorable car elle obtient un soutien financier pendant un an, (2006) ce qui lui permit d’acheter le nécessaire à sa production et lui laissa l’esprit libre pour démarrer son atelier de tissage, de filage et de tricot.
Car il s’agit bien d’un art par la qualité de sa production : châles, foulards, jetés, ruanas et vestes sans manches. Aussi des plastrons, tuques, mitaines et bandeaux tricotés à la main viennent compléter sa collection. Les fibres utilisées sont la laine mérinos, l’alpaga, le coton, le lin, la soie et autres fibres naturelles. Chaque création est lavée et bloquée. Madame Pérusse s’impose des critères élevés concernant l’esthétique et la qualité de ses travaux. La beauté et la douceur des produits de sa collection sont exceptionnelles. Cette valeur est reconnue par le Conseil des métiers d’art du Québec depuis 1996.
Deux aspects inattendus m’ont surpris au cours de l’entrevue. D’abord un travail plutôt rare qu’elle exerce dès qu’on réclame ses services : elle fait du transport d’automobiles pour un concessionnaire de Trois-Rivières. En anglais on appelle ce métier « Car jockey ». C’est ainsi qu’elle peut se rendre aussi loin que North-Bay ou Val-D’or pour aller chercher ou échanger des voitures pour les clients-acheteurs du concessionnaire. Elle fait les trajets aller-retour sans transition. Les voyages ne sont pas toujours aussi longs mais je ne peux pas m’empêcher d’admirer sa hardiesse et son audace moi qui déteste conduire une autre voiture que la mienne…par appréhension, je dois bien l’avouer.
L’autre aspect concerne sa compétence d’éleveuse de chiens berger-allemand. Elle m’a longuement entretenu de l’élevage qu’elle tenait avant de déménager à Trois-Rivières. Son amour des chiens et son aptitude filtraient de ses propos. J’ai été fascinée par les anecdotes intéressantes, par la compréhension qu’elle a de nos amis canins et la manière douce qu’elle a eu de les élever.
Elle tricote aussi des mitaines avec « thrums » comme madame Denise Pinard nous a appris à le faire, et j’ai appris grâce à elle le mot français pour ce genre de tricot qui nous vient des pêcheurs du Labrador et de Terre-Neuve : mitaines lardées. C’est un bien joli mot n’est-ce-pas!
Je l’avais déjà rencontrée au Salon des Métiers d’art de Trois-Rivières il y a quelques années et comme je participais moi aussi à celui de l’automne 2009, j’avais l’occasion d’échanger plus longuement avec elle. Je voulais donc vous présenter et rendre hommage à une femme brave et hardie semblable en cela à plusieurs d’entre vous.
Célébrons nos artisanes qui exercent humblement leur métier dans l’anonymat la plupart du temps mais en y mettant tout leur cœur et leur talent.
Lise Landry
(Communications)
